20 mai, 2019

Tout va mal en Grande-Bretagne…Vraiment ?

 

Mon expérience des diners en ville est fort instructive. Comme la plupart de ceux qui m’invitent connaissent et mon métier et mes opinions, presque à chaque fois la conversation se porte sur la Grande-Bretagne et c’est toujours pour m’affirmer que tout va très mal en Grande-Bretagne et que de toutes façons, c’est bien fait pour eux et que les choses seront bien pires dès qu’ils sortiront de l’Europe.

Commençons par le premier point qui, étant constitué de FAITS, ne devrait pas prêter à la discussion et pourtant mes interlocuteurs, qui doivent tirer leur information de la lecture des journaux français semblent disposer d’une information que je n’ai pas et que j’ai du mal à trouver.

Pour moi, la Grande-Bretagne va plutôt bien, en tout cas, elle va beaucoup mieux que la France.

La presse française serait -elle biaisée ? Je n’ose le croire…

En tout cas, voici mes chiffres, en commençant par le plus important de tous, l’emploi.

 

Depuis 2012 (le moment où monsieur Draghi a « sauvé » l’Euro et détruit l’Europe), l’emploi en GB est monté de 9 % tandis qu’en France la hausse n’a été que de 4 %.

Fort logiquement et depuis la même date, le taux de chômage est passé de 9 % dans les deux pays à 3. 6 % en GB et à …8.4 % en France.

Certes, et toujours d’après mes dineurs en ville, il est évident que tous ces emplois sont des « petits boulots » et que les nôtres, moins nombreux certes, sont d’une qualité très supérieure. Ce n’est pourtant pas ce qu’ont l’air de penser les gilets jaunes…

En tout état de cause les chiffres semblent cependant dire que trouver un premier emploi en GB est plus facile que d‘en trouver un en France.

Passons à la production industrielle et ici craignons le pire, car tous mes amis français sont persuadés que la Grande-Bretagne ne fabrique plus rien, si ce n’est des battes de cricket ou des pots de confiture d’orange. Et pourtant, les productions industrielles sont à peu près de la même taille tandis que la production industrielle anglaise croit depuis 2012 beaucoup plus vite que la production industrielle en France, comme en fait foi le deuxième graphique.

 

 

Tiens donc ! la France s’est fait mettre 6 points de production industrielle dans les dents par la GB depuis 2102 et se retrouve à un niveau inférieur à celui de 2011 alors que la production industrielle anglaise GB est, elle au-dessus de son niveau de 2011. Voila qui ne confirme pas vraiment la thèse que tout va mal outre-Manche…

Tous ces petits boulots doivent cependant avoir amené à une baisse du PIB par habitant en Grande-Bretagne, qui n’a pas eu la chance, elle, de bénéficier de l’Euro. Vérifions en calculant le PIB par habitant qui nous donnera une idée de l’évolution du niveau de vie dans chacun des deux pays. Curieux, mais c’est le pays qui n’a pas été « protégé » par l’Euro qui a vu une hausse du niveau de vie par habitant supérieure à celui qui était protégé…L’euro serait -il une protection illusoire comme la ligne Maginot en son temps ? Surement une erreur de plus, mais cela devient de plus en plus difficile de soutenir que la France va mieux que la Grande-Bretagne.

 

 

Si l’on réfléchit bien, la seule explication à cet écart de croissance entre les deux pays est sans aucun doute que les déficits budgétaires britanniques ont dû exploser tandis que les nôtres se contractaient.

Voyons ce qu’il en est.

Salopards d’Anglais ! ils sont en train de retourner à l’équilibre budgétaire…

Il est très probable en effet qu’en 2019 et au plus tard en 2020, la Grande-Bretagne se retrouvera en excédents budgétaires, alors que nous nous trainons avec des déficits supérieurs à 3 % du PIB depuis des lustres que toutes nos augmentations d’impôts n’ont jamais réussi à réduire. Mais ces fourbes d’anglais ont fait baisser les dépenses de l’Etat à la place d’augmenter les impôts, ce qui est vraiment odieux.

Ce qui est le plus insupportable dans la réalité est bien sûr que, quand les Conservateurs sont aux affaires, le poids de l’Etat recule alors qu’en France les dépenses étatiques augmentent que la Gauche ou la Droite soit au pouvoir, et je défie quiconque de repérer qui est au pouvoir en regardant les dépenses de l’Etat. Giscard ou Mitterrand, Sarkozy ou Hollande, même combat, mêmes résultats.

Il est vrai qu’en France, nous n’avons jamais eu que des partis de gauche au pouvoir, dont l’un, curieusement, se dit de Droite.

Et ici, je voudrais ajouter un petit graphique de nature « politique » pour expliquer que ceux qui investissent en fonction de la perception qu’ils ont de la politique vont toujours perdre leur chemise.

Depuis 1975, la rentabilité totale des deux marches a été a peu près la même, ce qui veut dire que la tendance du ratio est plate (moyenne a 1). De temps en temps il faut acheter la Grande-Bretagne et vendre la France, comme en 2000 et de temps en temps, il faut faire contraire, comme en 1983.

Je n’ai pas le moindre doute que la bourgeoisie française a vendu quand la gauche arrivait au pouvoir en 1981 et acheté quand la soi-disant droite revenait en 1985, et bien entendu, c’était le contraire qu’il fallait faire.

Ne jamais acheter quand des gens sans convictions qui se disent « pragmatiques » sont élus, telle est la règle qui ne connait pas d’exception. Et y a-t-il de plus grands pragmatiques que Chirac, Juppé, Sarkozy, Raffarin etc… qui ont toujours pensé non seulement que leurs électeurs étaient des imbéciles mais surtout que la gauche détenait le monopole de la vertu et de la vérité ? Ils s’excusaient presque d’être au pouvoir…

Et comme tous mes bourgeois dineurs en ville ont voté des deux mains pour Macron et que le marché français est très haut par rapport au marché britannique, si je ne l’avais déjà fait, je vendrais la France aussi vite que je le peux pour me précipiter sur la Grande-Bretagne.

Voilà un coup qui ne devrait pas rater et ce d’autant plus que la Livre est sous -évaluée par rapport a l’Euro.

Pour ceux qui le peuvent, c’est aussi le moment ou jamais d’acheter de l’immobilier à Londres en vendant Paris, ce qui devrait marcher tant je ne crois pas une seconde l’arrivée de monsieur Corbyn au pouvoir…

Venons-en à l’imbécilité européenne du moment, le BREXIT.

Vouloir garder un peuple comme le peuple anglais dans un système dont ils ne veulent plus est totalement idiot, et c’est pourtant ce que les élites de Bruxelles ont essayé de faire.

Voila un pétard qui va leur exploser à la figure.

Il s’agit en effet d’un cas parfait d’une volonté populaire qui affirme haut et fort que la GB doit sortir de l’Euro pour retrouver sa souveraineté, et à cette volonté fort claire se sont opposés les hommes de Davos tant à Bruxelles qu’à Londres, au prétexte qu’ils savent mieux que le Peuple ce qui est bon pour lui.

Ces « globalistes » constituent 75 % de la Chambre des Députés et 90 % de la Chambre des Lords. Ces braves gens essaient d’avoir le Peuple anglais à la fatigue. Mais comme le disait mon cher père, les anglais sont assommants. Ils perdent toutes les batailles et gagnent toutes les guerres, et quand ils ont refermé leurs mâchoires, comme le bulldog, ils ne lâchent plus jamais.

Il va donc y avoir un raz de marée gigantesque en Grande-Bretagne en faveur du nouveau parti, le Brexit Party et il est très probable que du coup, le bipartisme vit ses derniers jours en Grande-Bretagne.

Resteront trois partis.

  • Celui des hommes de Davos, qui feront 25 % des voix, à tout casser.
  • L’extrême gauche, qui fera 20 % des voix et encore.
  • Le parti des anglais de souche qui fera 35 % des voix ou plus, le reste allant à des petits partis locaux.

Dans ce cas de figure, et compte tenu du système électoral (un seul tour, celui qui a le plus de voix l’emporte), le prochain premier ministre de sa gracieuse Majesté pourrait bien être Nigel Farage et je ne voudrais pas avoir à négocier avec lui si j’étais monsieur Barnier, dont j’espère qu’il va prendre une retraite bien méritée, avant.

A moins que monsieur Macron ne le nomme premier ministre pour le récompenser de ses efforts et de ses succès…

 

 

 

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

16 Commentaires

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  • Jean Roger

    23 mai 2019

    Bonjour,

    je ne suis juste pas d’accord avec votre conclusion : M. MOSCOVICI ne mérite aucune retraite.

    Je vous remercie néanmoins très chaleureusement pour le partage de la pertinence de vos analyses.

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  • Ockham

    23 mai 2019

    A propos du cap du paquebot « France », vous soulignez justement son intangibilité quel que soit le capitaine, fût-il ancien trotskiste ou croix de feu! C’est hallucinant et vrai. En plus l’élite politique à vie, la mieux formée aux sciences administratives et la mieux payée en groupe compact, chante et pratique en cœur des psaumes scolastiques pendant 40 ans sans rougir comme travailler moins c’est la solution, que le Gross-Paris c’est la France, que des comptes en déficits permanents c’est la rationalité, que le vinaigre (islam) est soluble dans l’huile, que plus il y a de fonctionnaires plus le pays s’adapte etc … Incroyable. Nous sommes un peuple d’exception !
    Tant que la liquidité pour s’endetter est pratiquement à 0% … [Ceci appelle un autre chapitre à propos d’effet déflationniste des nouvelles technologies mais c’est un autre sujet.]
    En face – et depuis 8000 ans – nous avons effectivement ces falaises de craie qui semblent hésiter sur la dérive à suivre vers ou loin du continent. Récemment les Anglais sont entrés dans la nasse administrative européenne et ils se débattent contre cette cascade permanente de contraintes labyrinthiques. S’ils ont raison de critiquer cette mise sous tutelle des citoyens sur-assistés à tous les échelons géographiques, il faut m’expliquer comment rester dans un marché commun sans accepter son corollaire de normes. Ce n’est pas possible sauf brève exception dans le temps avant de couper les ponts.
    Logiquement il faut partir ! En attendant de sauter, Mme May va partir demain. Soit alors Boris ou Farage doivent sortir d’une autre nasse : celle de l’Irlande du Nord et de l’Écosse. Donc c’est pratiquement tout de suite ou jamais.
    Or pour l’équilibre de l’Europe nos  » chers Anglais » sont indispensables car ils sont à nuls autres pareils, si insupportables, pour critiquer et secouer la torpeur des fonctionnaires des trois pouvoirs, la « Sitzfleisch », viande assise » de Nietzsche. En conséquence ils devraient rester pour la première (marché) et la seconde raison (explosion de la GB). Qui ne s’est pas trompé ?

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  • Aurelien

    23 mai 2019

    Excellente analyse, comme d’habitude. Pourriez-vous nous aiguiller sur l’achat de produits à fin de jouer sur les marchés votre prédiction ? Je ne me vois pas aller à Londres acheter un appartement, peut-être existe-t-il des produits qui me permettraient (éventuellement avec le fait de levier) jouer la hausse de l’ immobilier et le regainde l’économie britannique ?

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  • Semper Fi

    20 mai 2019

    Bonjour à tous….
    Je partage largement la démonstration de M. Gave relative aux divergences entre économie zone euro et économie hors zone euro. Cela étant dit, je constate toutefois régulièrement que cette divergence est surtout réelle dans les années 2000 mais beaucoup moins dans les années 2010, et l’écart à l’arrivée (2018) est équivalent à celui de 2008. Merci d’avance à IDL d’avancer une explication à cela.

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  • Arsene Holmes

    20 mai 2019

    Cher Mr Gave,

    Quelques caveats à votre analyse:

    – Tout n’est pas rose au UK

    – Le Current Account Deficit est très important ce qui pose problème le UK etant principalement un pays importateur

    – Le chomage est faible mais il est aussi vrai que beaucoup d’emploi sont précaires et mal payés ( Zero Hour Contract). Cela dit c’est peut etre ce que devrait faire la France. Aussi l’ indemnisation de chomage est cappée et par conséquent les gens cherchent très rapidement un nouvel emploi.

    – Une partie non négligeable de la population vit de “ benefits”

    – Le UK n’est pas dans l’Euro

    -l’immobilier à Lomdres bien qu’ayant bien baissé est toujours beaucoup plus cher qu’à Paris

    – Le Brexit a éte voté par 17 millions d’électeurs contre 30 millions qui ont voté contre ou se sont abstenus

    – la situation politique est absolument délétère et quasi explosive. La haine entre les Brexiteers et les Remainers est palpable

    – Il est for probable que si le Brexit arrive, il y ait rapidement un éclatement du Royaume Uni.

    Incidemment ce serait peut etre la fin du cycle de l’Angleterre essayant depuis plus de 300 ans par tout les moyens qu’il n’y ait pas de puissance hégémonique en Europe : initiallement la France , puis l’Allemagne et maintenant l Europe

    – Nigel Farage est un populiste dangereux faisant appel aux plus bas instincts xénophobiquee et jingoistiques des Anglais. Quand je suis arriveé à Londres au début des années 80, je pensais que les Francais étaient les rois du cocorico et j’ai très vite réalisés que nous étions des enfants de choeur par rapport aux Anglais quis sont en plus chauffés à blanc quotidiennement par la presse

    Je sais que vous etes un fervent partisan de Brexit mais SVP ne tombez pas dans le piàge de penser que Farage est un type bien. Il est dangereux

    Répondre
    • DIDIER

      20 mai 2019

      Superbe mise au point de M. GAVE. A l’essentiel.

      En appui de la démonstration, non seulement hausse du PIB par habitant en UK, mais surtout du revenu médian des plus pauvres.
      https://en.wikipedia.org/wiki/Income_in_the_United_Kingdom#/media/File:Uk_incomes.png

      ____

      On ne peut nier que les petits boulots anglais sont peu enviables.
      Il existe bel et bien une pression sociale forte sur les plus pauvres, qui n’existe pas en France.
      Le « quiet despair » anglais n’est pas qu’un mythe.

      Ceci étant dit, ce n’est pas une raison pour les français de s’en sentir supérieur.

      Les petits jobs correspondent à un besoin de l’économie.
      Un anglais avec un ou deux petits jobs au moins; lui crée sa propre richesse.

      Tandis que l’assisté professionnel français vit de l’argent des autres et amène le système à sa ruine.
      Et en plus, il mord la main de celui qui le fait vivre.

    • Xavier

      20 mai 2019

      Arsene Holmes

      Inutile de venir ici répéter les mantras du ministère de la Vérité, on les connait par coeur.

    • Arsene Holmes

      20 mai 2019

      Xavier

      Pourriez vous avoir la gentilesse d’élaborer sur

       » les mantras du ministère de la vérité »

      car je n’ai pas la moindre idée de ce que vous voulez dire.

      Merci par avance

    • Raskolnikov

      21 mai 2019

      C’est bien parce que Farage est un type dangereux que je le trouve bien. Je déteste les lavettes du style Macron.

  • Michel Grisar

    20 mai 2019

    Quel rafraichissant plaisir que de vous lire. Et que la lumière soit en UK comme ailleurs. Merci pour votre contribution les pieds sur Terre et la tête dans les étoiles !

    Répondre
  • Matthieu Cubeta

    20 mai 2019

    Nigel Farage premier ministre, je veux absolument voir ça. ..

    Répondre
  • Faïk Henablia

    20 mai 2019

    Bonjour Charles,
    les « petits partis locaux » dont vous parlez, ce sont les Ecossais et les Irlandais « de souche »?
    A ce propos, n’y a-t-il pas lieu de nourrir les plus grosses craintes quant à l’avenir du UK?
    Un Brexit entrainant un démantèlement du UK,ce serait drôle,non?

    Répondre
  • Vendeo

    20 mai 2019

    Bonjour,

    Plus les jours passent, plus le puzzle s’assemble, plus la vérité éclate
    que dire? à part que je ferais en sorte le 26 mai , de participer au « Bruxit »…

    cordialement.

    Répondre
    • Charles Heyd

      20 mai 2019

      moi aussi!

  • LE MEAU GILLES

    20 mai 2019

    Bonjour,

    Plus les jours passent, plus le puzzle s’assemble, plus la vérité éclate
    que dire? à part que je ferais en sorte le 26 mai , de participer au « Bruxit »…

    cordialement.

    Répondre

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